Calvaires de Kernascléden : repères de pierre sur les chemins et places

En Bretagne, si de nombreux calvaires sont érigés près d’édifices religieux, beaucoup trouvent leur place dans la trame civile des villages et campagnes, jalonnant carrefours, lisières de champs et points de passage. Kernascléden n’échappe pas à la règle et peut s’enorgueillir d’un ensemble de calvaires marquant l’espace, avec chacun sa personnalité et son histoire.

Le calvaire du bourg : symbole villageois

Trônant devant la chapelle Notre-Dame, le calvaire du bourg est à la fois un signe de sacralité et un repère civil. Datant, selon l’inventaire du ministère de la Culture, du début du XVIe siècle, il fut élevé sans doute dans la mouvance du chantier de la grande chapelle. Sa croix octogonale, typique du style breton, est portée par un socle massif. Plusieurs restaurations sont attestées, dont l’une dans les années 1950 après qu’un orage eut fait choir la partie supérieure (Base Mérimée).

  • Matière : granit local
  • Hauteur : environ 3 mètres
  • Anecdote : lors de la “Grande Mission” de 1923, la population s’y rassembla pour une succession de veillées, selon l’Abbé Le Corre (Source : registre paroissial, mairie de Kernascléden).

Le calvaire du cimetière : entre mémoire et recueillement

Moins imposant mais non moins chargé de sens, le calvaire du vieux cimetière accompagne les générations. Celui-ci, du XVIIe siècle, fut remanié au XIXe siècle lors de la réorganisation des espaces funéraires. Son fût simple contraste avec les croix sculptées des hameaux, ce qui pourrait indiquer un choix volontaire de sobriété. Le site, bien que modeste, continue d’accueillir des gestes de mémoire lors de la Toussaint.

Calvaires de hameaux et croix de carrefour : un patrimoine disséminé

  • Calvaire de Saint-Joseph : situé à la sortie du village en direction de Berné, il s’agit d’une croix monolithique, gravée simplement, sans personnage sculpté. D’après la tradition orale recueillie auprès de la famille Le Pallec, ce calvaire aurait servi de point de repère pour les processions agricoles.
  • Croix de Kerhervy : dressée à l’orée des pâtures, elle marque la limite ancienne des terres communales. Date estimée : XVIIIe siècle (information confirmée par l’Inventaire Régional du Patrimoine).
  • Croix de Kerantrech : croix de granite, autrefois accompagnée d’un oratoire disparu à la Révolution. Si elle est aujourd’hui un élément du paysage, elle fut jadis le théâtre de rassemblements lors des célébrations de mi-carême.

Un recensement de 2020 (association “Patrimoine du Pays de Plouay”) évoque au total huit croix ou calvaires répertoriés dans la commune, dont plusieurs signalent d’anciens chemins de pèlerinage locaux.

Fontaines de Kernascléden : points d’eau, lieux de vie, objets de croyances

La fontaine, dans la vie rurale jusqu’au XXe siècle, est bien plus qu’un simple point d’eau. Elle concentre des usages, des rites et parfois des mythes. À Kernascléden, plusieurs fontaines persistantes démontrent ce rôle tout particulier.

La fontaine Notre-Dame : héritage médiéval et culte marial

Cachée dans un petit enclos à proximité immédiate de la chapelle principale, la fontaine Notre-Dame est l’une des plus anciennes du secteur, datée de la fin du XVe siècle. Elle répondait essentiellement à l’afflux de pèlerins venus vénérer la Vierge de la chapelle ; ils étaient incités à y puiser une eau “bénite” réputée miraculeuse, surtout lors des fièvres.

  • Architecture : bassin rectangulaire ceint de blocs de granit, couronné d’un clocheton aujourd’hui disparu
  • Usages anciens : ablutions rituelles lors du pardon annuel de la Vierge (témoignages des années 1930, source : bulletin de la Société polymathique du Morbihan, 1936)
  • Particularité : une tradition veut que l’eau versée sur le front d’un enfant prématuré protège des “maux de langue”

La fontaine Saint-Joseph : un repère communautaire

À l’écart du bourg, la fontaine Saint-Joseph est directement liée à un ancien hameau agricole aujourd’hui en partie disparu. Accessible par un petit chemin de terre, elle servait à l’abreuvement, à la lessive et à de petites cérémonies liées aux cycles agricoles. Sa structure, plus modeste, est typique des fontaines de travail du XVIIIe siècle : bassin circulaire creusé à même la roche, margelles de pierre légèrement inclinées.

  • Fête traditionnelle : la “bénédiction des enfants” s’y tenait chaque 19 mars (fête de la Saint-Joseph), coutume rapportée par Lucien Daniel dans son étude sur les usages bretons ruraux.

Les petites fontaines de hameau : discrètes et précieuses

  • Fontaine de Pont-Cam : proche d’un ancien moulin, elle aurait été creusée lors de travaux de drainage au début du XIXe siècle. Elle alimentait un lavoir collectif, aujourd’hui disparu.
  • Fontaine de Kerhervy : elle marque l’emplacement probable d’un ancien sanctuaire païen christianisé au Moyen-Âge, d’après l’abbé François Cadic (collectage de contes populaires, BnF Gallica).

En 1946, un recensement administratif dénombre six fontaines sur la commune (archives départementales du Morbihan).

Un patrimoine fragile : enjeux et initiatives de sauvegarde

L’usure du temps, le recul des usages traditionnels et la pression foncière mettent en péril ce patrimoine. Plusieurs croix et fontaines ont disparu depuis un siècle : en témoignent les photographies anciennes conservées à la mairie en comparaison avec la réalité actuelle. Cependant, une prise de conscience locale se développe.

  • Restaurations récentes : En 2018, la fontaine Notre-Dame a bénéficié de travaux de consolidation financés à 40 % par la Région Bretagne.
  • Actions associatives : L’association “Kernascléden, demain” organise régulièrement des chantiers citoyens pour débroussailler les abords des fontaines de hameaux.
  • Signalétique : Un projet de parcours du patrimoine, comportant panneaux et QR-codes, vise à valoriser ces témoins muets d’une histoire villageoise.

La plupart des monuments de ce type sont aujourd’hui inscrits à l’Inventaire général du patrimoine culturel de la région, mais moins d’un quart ont une protection formelle aux Monuments historiques (source : DRAC Bretagne, 2022).

Le patrimoine civil de Kernascléden au fil des générations

Si la grande chapelle fascine par sa richesse, les calvaires et fontaines incarnent, eux, la trame quotidienne du village d’autrefois : le fil ténu où s’entrelacent foi populaire et pratiques d’entraide, spiritualité et vie ordinaire. Il ne s’agit pas seulement de regarder ces éléments comme de simples “vieilles pierres” : les redécouvrir, c’est renouer avec une mémoire partagée et comprendre le rapport si particulier qu’entretient Kernascléden avec son environnement.

Quiconque prend le temps de flâner hors des sentiers battus pourra, aujourd’hui encore, percevoir ce lien vivant entre les générations. Avec moins de 800 habitants, Kernascléden rappelle que, même à l’écart des grands axes, la Bretagne intérieure conserve un patrimoine civil discret mais essentiel. Il appartient à tous de le faire vivre.

  • À retenir : calvaires et fontaines, dispersés dans le bourg et les hameaux, composent un réseau patrimonial singulier, reflet de l’histoire locale et de l’évolution des pratiques rurales.
  • À découvrir lors d'une promenade : chaque croix, chaque fontaine possède une histoire propre, qui se laisse approcher à qui sait tendre l’oreille aux récits des habitants ou consulter les archives disponibles.

Sources principales : Base Mérimée (ministère de la Culture) ; archives mairie de Kernascléden ; bulletin de la Société polymathique du Morbihan ; études scientifiques DRAC Bretagne ; Association patrimoine du Pays de Plouay ; Inventaire général du patrimoine culturel de Bretagne.

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